Once upon a time...
↻J’ai froid… une odeur nauséabonde plane autour de moi… je sens des trucs bizarres qui grouillent sur mon corps… j’ai mal aussi… Je ne suis pas dans ma pouponnière… c’est une certitude.
J’ouvre les yeux avec difficulté… divers insectes gambadent sur mon corps nu, ce dernier est en bien mauvais état et saigne de partout. Que s’est-il passé ? Je ne sais pas… je ne sais plus… j’ai six ans, ça j’en suis certain… mais où est le confort de la pouponnière du Centre ? Qu’est-ce que je fais ici… dans une ruelle sombre… au milieu de poubelles ?
Je me sens soulevé, on chasse les insectes de mon corps, et on me couvre d’un long manteau. Il pleut abondement… Je lève les yeux, et voit un homme aux cheveux noirs qui me porte dans ses bras.
« Ne t’en fais pas bonhomme, je te protégerai. »
Je me blottissais contre cette source de chaleur, suivant son conseil. Je m’endormais rapidement, sans savoir où il m’emmenait, ni qui il était.
***
Lorsque je me réveillais, j’étais dans un grand lit double à baldaquins. Après une quinte de toux, je me redressais et regardais autour de moi. Je me sentais bizarre, et j’avais du mal à examiner la pièce dans laquelle j’étais. Je vis que c’était une grande chambre, richement meublée. Je me regardais, je portais un pyjama qui semblait lui aussi coûteux.
« Tu es enfin réveillé. »
Je sursautais et regardais dans la direction de la voix. L’homme qui m’avait porté se trouvait là, assis sur une chaise, à mon chevet. Il se leva et mis sa main sur mon front.
« Ta fièvre a baissé, ça va faire une semaine que tu es alité, semi conscient. J’ai eu peur que tu y passes, même si, logiquement, tu ne peux pas mourir de maladie, Familier. »
J’écarquillais les yeux en l’entendant. Je voulu fuir mais je fus incapable de me lever. L’homme me rattrapa in extremis alors que j’allais rencontrer le sol. Il me recoucha avec douceur et me borda. Il se rassit et m’expliqua alors que je n’avais rien à craindre de lui. Il m’avait trouvé dans une ruelle, au milieu des poubelles des habitants. Ayant senti une présence démoniaque, il avait été guidé jusqu’à moi. Le démon qui m’avait enlevé à la pouponnière du Centre se savait poursuivit, et s’était montré agressif envers mon sauveur. Il m’aurait lâché dans les ordures avant d’essayer de se débarrasser du gêneur. Mon sauveur l’aurait décapité avant de m’emmener avec lui. Il m’expliqua ensuite que s’il savait tout ça, c’est parce qu’il était un éveillé.
« Je suis neutre, je ne prends pas part à ce genre de combat, cela ne m’intéresse pas. C’est pour cela que je suis resté caché jusqu’à maintenant. J’ignore pourquoi ce fut plus fort que moi de venir te sauver. J’ignore ce que ce démon te voulait, et vu ta tête, j’en conclu que tu l’ignorais aussi. Je ferai enquêter mes hommes si tu veux. »
Je hochais la tête, restant encore silencieux. Il me demanda mon nom… mais je fus incapable de lui répondre clairement. A part du confort de la pouponnière, je ne me souvenais de rien.
« Dans ce cas, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je fais partie de la mafia italienne, et je n’ai pas d’héritier. Je ne pense pas en avoir, et je ne peux pas te rendre au Centre, au risque d’être découvert. Je souhaite rester caché. Aussi, tu seras mon héritier. Je m’occuperai personnellement de ton éducation, tu seras mon fils, et tu t’appelleras Dante. Dante Amerillo, fils de Giovanni Amerillo. Ca te va j’espère, car tu n’as pas le choix. »
Ce fut trop d’informations pour mon pauvre cerveau malade. Il me borda à nouveau et me dit de me reposer, qu’on en reparlera quand je serai entièrement remis. Je me rendormais rapidement, je ne saurais dire pourquoi, je n’avais pas peur, j’étais même… heureux.
***
Le temps passa, douze ans pour être précis. Mon père de substitution avait mené son enquête sur mon enlèvement de la pouponnière. La raison était assez simple, le démon qui m'avait enlevé voulait seulement me revendre dans un marché noir pour se faire une petite forturne... heureusement que le mafieux était intervenu.
J’avais bien grandi, et j’apprenais vite. Giovanni était sévère et dur, mais il était un parent aimant à sa manière. J’étais réellement comme un fils pour lui. Le seul problème, c’était ma transformation. La moindre émotion sortant de l’ordinaire me faisait me transformer en panda roux, et je galérais à redevenir humain. C’est la raison pour laquelle je n’avais jamais été en cours « normaux », j’ai toujours étudié dans l’appartement de mon père de substitution.
Il tentait de m’aider à contrôler mes sentiments et mes émotions… mais la crise d’adolescence ne me permettait pas de réussir cet exercice fastidieux. J’avais seize ans aujourd’hui, et je n’arrivais toujours pas à me contrôler. J’avais déjà été présenté au clan, tous savaient que je serai le prochain chef et tous me respectaient… mais aucun ne savait ce que j’étais, ni ne connaissait la véritable nature de mon protecteur. A leurs yeux, j’étais l’orphelin d’une parente éloignée qu’il avait pris sous son aile, rien de plus. On ne me demandait pas de détails, et le fait que je ne sorte que rarement de l’appartement était que Giovanni voulait être sûr que je ne me détournerai pas de ma formation pour une distraction sans importance. Raison stupide oui, mais ça passait bizarrement.
Enfin, le problème était toujours là, je n’arrivais toujours pas à me contrôler… et c’était vraiment problématique. Aujourd’hui, mon père était parti pour une affaire importante, aussi, je m’entrainais seul à essayer de me transformer et de redevenir humain… mais cette fois-ci, je ne parvenais pas à devenir un panda roux. J’avais jamais ce que je voulais et ça avait le don de m’énerver !
La sonnerie de la porte retenti dans l’appartement. Je l’entendais rarement quand mon père n’était pas là, et cela m’étonnait. Je me dirigeais alors vers l’entrée et entrouvris. Le bras droit de Giovanni, un éveillé aussi, le second à être dans le secret de ma nature, se tenait sur le palier. Je lui ouvris et il entra, silencieux. Je refermais la porte derrière lui et lui demandait s’il voulait un thé. Il me répondit par la positive. Pendant que je préparais la boisson, je lui demandais ce qui l’amenait. Il devait savoir que papa était en mission. Il resta silencieux un temps.
« Dante… tu devrais t’assoir. »
Je m’exécutais docilement sans comprendre. L’homme posa sur la table une broche représentant un renard, le symbole du clan, la broche que seul le chef de clan avait le droit de porter. Je regardais tour à tour l’homme et l’objet. Si la broche était là… alors où était Père ? Je n’eus pas l’occasion de poser la question, l’éveillé parla à ma place.
« Je suis désolé Dante… cette mission était un piège de l’ennemi… Giovanni s’est sacrifié pour permettre aux hommes de s’en sortir… »
J’étais… je ne sais pas… choqué, blessé, triste… mes yeux s’embuèrent de larmes. Mon père… n’était plus là… j’étais seul… Je sursautais, la main réconfortante du bras droit de Giovanni… non… de mon bras droit se posait sur mon épaule. Il me serra ensuite dans ses bras.
« Tu es notre chef à présent… la cérémonie aura lieu le plus tôt possible… et je serai ton professeur à présent. Je te guiderais. »
Ce fut trop pour moi, j’eus un dernier hoquet de tristesse avant de me transformer en panda roux sans le vouloir.
***
Cela fait maintenant six ans que je suis à la tête du clan. Mon bras droit, Lorenzo, m’a guidé et bien conseillé. J’ai développé un caractère fort et une certaine autorité. Je tiens bien les rênes du clan, tous semblent satisfaits de ma façon de diriger. Tant mieux parce que je ne leur laisse pas le choix.
L’enterrement de mon père c’est bien passé, comme la cérémonie pour que je devienne chef. Je ne me suis pas transformé, heureusement. Lorenzo était là pour m’aider. Je n’arrive toujours pas à contrôler mon pouvoir, à mon plus grand désespoir, mais j’ai vraiment de la chance car jusque-là, je ne me suis transformé que devant Lorenzo ou en privé.
Enfin, je vois pas pourquoi je pense à ça maintenant… peut être parce que je suis blessé, que je me suis pris une balle dans l’abdomen et que j’avance avec difficulté vers le cabinet d’un médecin privé. Péniblement, je frappe à la porte de ce Keith Garret, espérant qu’il puisse me soigner rapidement…